Rééducation Post-Opératoire du Genou

L'utilisation du biofeedback électromyographie en vue de la rééducation post-opératoire du muscle quadriceps fémoral.

Vanessa Draper, Ph.d.


INTRODUCTION

Suite à la réparation chirurgicale du ligament croisé antérieur (LCA), l'immobilisation et/ou le non fonctionnement du membre opéré peut se terminer par une atrophie importante du muscle quadriceps fémoral (QF) et une grande faiblesse, parfois dès les premiers jours suivant l'intervention et certainement dès les premières semaines qui suivent. Les programmes de rééducation du LCA sont donc centrés surr le thème de récupération de la force et de la fonction du muscle QF (figure 1). Pendant les premières phases du traitement, les exercices rééducatifs incluent généralement la contraction statique du quadriceps (CSQ) et des levées de jambe tendue (LJT). Ces exercices sont souvent difficiles à réaliser pendant les premières semaines suivant l'opération à cause de la douleur, de l'oedème et peut-être de la perturbation de l'activité normale des récepteurs articulaires. Si le feedback du récepteur articulaire est déficient, les effets facilitants et inhibiteurs de ce feedback sur la musculature des articulations sont aussi déficients et donc les séquences de contractions musculaires deviennent irrégulières et moins efficaces. Ceci peut empêcher l'efficacité des exercices rééducatifs et la récupération du contrôle et de la force du muscle.

Plusieurs chercheurs ont suggéré que le biofeedback (BFB) électromyographique (EMG) pourrait augmenter considérablement le feedback récepteur de la musculature du genou pendant les exercices QF (4,5,6,7).

L'activité moteur du QF est contrôlée au moyen d'électrodes placées à la surface de la peau pendant les exercices, puis transmise par un signal acoustique ou visuel. Bien que le patient ne puisse pas forcément "sentir" ou même percevoir l'activité du muscle, il peut voir ou entendre les résultats de ses efforts lors de la contraction de celui-ci. Il a été démontré que le biofeedback favorise des améliorations importantes dans les cas suivants: rééducation post-opératoire de la main (8), instabilité de l'épaule (9), lésions du rachis et rééducation suite à un accident vasculaire cérébral (10,11) réparations post-méniscales (12) et rétablissement du QF suite à une réparation chirurgicale du LCA (13,14).

BIOFEEDBACK EMG ET RECUPERATION DU QF

La récupération de la force du muscle QF suite à une réparation chirurgicale du LCA nécessite en premier que le malade récupère le contrôle volontiare du muscle de telle sorte que les exercices de renforcement puissent être exécutés efficacement. Le BFB est utilisé afin de favoriser les contractions volontaires du muscle QF en fournissant au malade les renseignements immédiats sur la justesse de ses efforts pendant les CSQ et les LJT. Ces renseignements non seulement amplifient un feedback déficient ou diminué des récepteurs articulaires, mais en plus ils fournissent un élément de motivation. L'évaluation des efforts a été décrite comme une source importante de motivation. Quand un individu ets très conscient de son niveau de performance, il est plus motivé pour s'imposer des buts et travailler pour les atteindre. Lorsqu'un malade peut bénéficier d'une représentation acoustique ou visuelle d'une activité musculaire qui est normalement cachée ou masquée, et quand il s'est donné un but qualitatif, l'effort et le résultat de l'exercice sont améliorés.

PROGRAMME DE TRAITEMENT

Le patient peut commencer à travailler avec le biofeedback le plus tôt possible après l'intervention. Normalement, on demande au patient de réaliser des CSQ et des LJT dès le lendemain de l'intervention et il peut facilement commencer le contrôle BFB en même temps.

UTILISATION DU SYSTEME MYOTRAC TM EMG

L'appareil de contrôle Myotrac est un source de feedback visuelle et acoustique qui permet au patient de contrôler la précision et l'intensité de chaque contraction musculaire. Des réglages variables sur l'appareil permettent au thérapeute de contrôler les progrès du patient et de définir les objectifs à atteindre. Afin de développer un plan de rééducation optimale, il sera nécessaire de déterminer d'abord le niveau d'activation que le muscle quadriceps peut atteindre, suite à une intervention chirurgicale. Avant la première séance de lecture, il faut effectuer quelques réglages comme suit:


Figure 1. Panneau interne-New Myotrac


Figure 2. Panneau externe-New Myotrac

  • Régler à x1 la lecture d'échelle pour le premier niveau de 0-20 µV.
  • Mettre le commutateur de seuil sur "Cont" afin de permettre au patient de voir/entendre les changements dans l'activité du muscle pendant les exercices.
  • Mettre "Seuil" et "Abv" (Above = au-dessus), si nécessaire, pour fournir seulement le feedback visuel jusqu'au moment où le niveau du seuil (le LED jaune) a été dépassé.
  • Mettre le cadran de seuil au minimum (0.5). Régler le volume.
  • Brancher la sonde dans sa prise femelle correspondante et fixer les électrodes comme suit:


Figure 3. Placement de Électrode

La jambe tendue, placer l'électrode 3-5 cm au-dessus de la bordure supérieure de la rotule et 2-3 cm dans la médiane (Figure 1). La forme de l'incision va déterminer la position finale, mais le but est de se centrer sur l'activité du mécanisme extenseur pendant les exercices de CSQ et de LJT. La sonde sera fixée avec du sparadrap. Beaucoup de thérapeutes ont noté que les triodes autocollantes donnent de meilleurs résultats de lecture, mais il faut surtout éviter d'ajouter la moindre irritation si l'endroit est déjà sensible.

TECHNIQUE DE FORMATION EMG

On montre d'abord au patient comment utiliser le BFB avec l'exercice de CSQ. Le patient est assis, la jambe traitée bien tendue sur la table et les électrodes en place. Vérifiez les LED sur le Myotrac™ pendant que le patient relâche le muscle QF. Si, dans cette position, les diodes rouges sont allumées, il faut tourner le cadran de seuil dans le sens inverse des aiguilles d'une montre jusqu'à l'activation des diodes vertes. Au cas où le réglage du seuil le plus haut ne fait pas passer l'échelle LED rouge dans l'échelle LED verte, il faut régler la mesure "interne" à x10, puis ramener le cadran de seuil à 0.5 et vérifier à nouveau les LED. Répétez la procédure à x100 si nécessaire. Plus l'atrophie musculaire est avancée, plus les réglages de seuil doivent être bas. Une fois que les réglages sont bien ajustés, le patient peut commencer les exercices servant à fortifier le QF.

On commence avec le LED dans le vert. Le patient doit démarrer un CSQ tout en regardant ou en écoutant le repère acoustique venant du Myotrac™. Il faut exercer un effort maximum pour que les diodes rouges soient activées. La difficulté de l'exercice peut être ainsi augmentée ou diminuée selon les besoins du patient. Il faut cependant souligner au patient que la qualité de la contraction est plus importante que la quantité.

Si un patient a des difficultés à démarrer un contraction, des indications verbales peuvent aider, comme par exemple: "appuyez l'arrière du genou contre la table" ou "essayez de faire bouger la rotule et de soulever le pied". Une fois que le patient arrive à effectuer une activité suffisamment importante pour être enregistrée et affichée sur l'appareil, ce signal du feedback peut être utilisé pour guider les efforts de contraction qui suivent. (Myotrac™ peut discerner une gamme de 0.8 - 2000 µV et selon notre expérience, la plupart des patients opérés peuvent enregistrer dans un premier temps 10 - 20 µV environ). Le patient devrait être capable de réaliser trois séries de dix CSQ à la satisfaction du thérapeute avant de continuer avec la prochaine phase du programme, afin d'éviter une technique imparfaite. Afin d'utiliser le BFB comme outil de rééducation, des objectifs dans le programme doivent être fixés et atteints avant de définir des objectifs plus poussés.

L'erreur que la plupart des patients font pendant les premiers efforts pour contracter le QF et tendre la jambe est de contracter en même temps les ischio-jambiers (IJ) pour compenser. Bien que le patient puisse sentir qu'il fournit un effort suffisant pour tendre la jambe, l'activité minimale enregistrée du QF et affichée sur le BFB lui apprendra que ses efforts viennent d'un autre groupe musculaire. Nous reconnaissons que beaucoup de thérapeutes encouragent la co-contraction comme moyen de fortifier le genou suite à une intervention. Cependant, même en co-contraction, le QF doit contracter efficacement pour effectuer l'extension du genou. Le biofeedback est bien adapté à cet exercice. On peut recommander l'utilisation d'un appareil à deux canaux ou même deux appareils à un seul canal dans ce cas et contrôler les activités des IJ et du QF pendant l'extension du genou.


Figure 4

Une fois que le patient maîtrise l'utilisation du BFB en pratiquant des CSQ, il suit la même procédure avec les LJT. Cet exercice se réalise le patient étendu sur le dos, la jambe tendue. Le patient contracte d'abord le QF et doit lever la jambe à 30 cm environ au-dessus de la table ou du plancher et tenir la jambe dans cette position pendant 5 secondes (voir figure 4). Le patient contrôle les LED pendant chaque exercice de LJT et peut donc évaluer la qualité de la contraction du QF. Le QF doit rester contracté sans aucun relâchement visible. Le contrôle de cet exercice au moyen du BFB rend le patient plus conscient des changements dans l'activité motrice du QF pendant le temps où la jambe reste en suspension. Cela le rend aussi plus capable de maintenir une contraction totale et constante pendant la répétition de l'exercice.

CONCLUSION

Selon notre expérience, l'utilisation du BFB est plus importante dans les 2-4 premières semaines suivant la réparation chirurgicale du LCA. Nous proposons qu'il soit utilisé avec les exercices de CSQ (3 séries de 10 répétitions 3 fois par jour) et de LJT (3 séries de 10 répétitions 3 fois par jour, en ajoutant progressivement 1 à 5 kilos de poids à la cheville selon ce qui est supporté par le patient). Des seuils doivent être fixés de manière à ce que le patient fournisse un effort maximum pour atteindre ses objectifs. Il faut aussi encourager le patient à augmenter les seuils les plus tôt et le plus régulièrement possible, sinon le BFB devient tout simplement un appareil de contrôle au lieu d'être un véritable instrument de rééducation. Il est indispensable de rappeler au patient que les valeurs microvolts réelles peuvent varier selon l'importance de l'oedème à l'endroit de l'enregistrement et aussi selon l'exactitude de l'emplacement des électrodes. Un patient peut être déçu ou encouragé pour rien s'il compte trop sur les valeurs réelles. Ces valeurs sont proportionnelles à la justesse et à l'intensité de l'effort de l'exercice et ces renseignments indispensables fourniront une motivation importante au patient qui subit une rééducation du genou post-opératoire. Plus le patient perçoit de feedback sur la qualité de la contraction du muscle, plus il contrôlera les processus de rééducation de ce muscle et donc plus il sera motivé pour progresser dans sa thérapie. L'expérience confirme que le BFB est une source importante de renseignments pour le thérapeute sur le progrès du patient tout en aidant celui-ci à contrôler sa propre guérison.

RÉFÉRENCES

  1. Noyes FR, Mangine RE, Barber S: Early knee motion after open and arthroscopic anterior cruciate ligament reconstruction. Am J Sports Med 15:149-159, 1987.
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  3. Krebs DE, Staples W, Cuttita D, Zickle R: Knee joint angle, It's relationship to quadriceps femoris muscle activity in normal and post-arthrotomy limbs. Arch Phys Med Rehabil, 64:441-447,1983.
  4. Soderberg GL, Minor SD, Arnold K et al: Electromyographic analysis of knee exercises in healthy subjects and in patients with knee pathologies. Phys Ther 67: 1691-1696, 1987
  5. Hald RD, Bottjen EJ: Effect of visual feedback on maximul and submaximal isokinetic test measurements of normal quadriceps and hamstrings. Journal of Orthopedic and Sports Physical Therapy 9:89-93, 1987
  6. Delitto A, Rose SJ, McKowen JM, Lehman, RC, Thomas JAS, Shively RA: Electrical Stimulation versus voluntary exersise in strengthening thigh musculature after anterior curciate ligament surgery. Phys Ther 68:660-663, 1988.
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